REGENTS DE L’UNIVERSITE DE VALENCE (1513-1662)
NB :Texte avec orthographe d’origine (Communiqué par M. le Comte de Brelleville).
Les notes qui suivent sont extraites du Tome XXI de pièces manuscrites intéressantes pour « l’histoire du Dauphiné », rassemblées par Chorier, et faisant partie de la bibliothèque de feu M. de Bouffier.
Elles complètent celles qui ont été publiées par M. A. Belmont sous le titre de Maîtres de l’Université de Valence au xvI° siècle, dans Bull. hist. et arch. relig. dioc. Valence, t. III (1882-3), p. 99-102, 154-5, d’après des notes manuscrites inscrites dans un exemplaire des Statuts de l’Université, imprimé à Tournon en 1601. Nous laissons à l’historien définitif de l’Université le soin d’identifier tous les écrits cités et de dresser la bibliographie de ces régents.
DE L’INSTITUTION ET ETABLISSEMENT DE L’UNIVERSITE DE VALENCE, DES DOCTEURS REGENTS QUI ONT ENSEIGNE EN ICELLE ET LEURS ELOGES.
« Louys, fils aisné de Charles 7° s’estant retiré de la Cour pour les raisons qui sont dans l’histoire, vint en Dauphiné en l’année 1450, et ayant seiourné en la ville de Valence et considéré sa belle situation, il fust prié d’y établir une université, ce qu’il fist en 1452, suivant les lettres patentes ci iointes, et en l’année 1461 son père estant décédé il fust couronné Roy et confirma led. établissement.
Les consuls de lad. ville prirent grand soingt de procurer de la réputation a lad. université en y appelant des docteurs célèbres en la faculté du droit.
Le premier (1) fust Philippes Décius, milanais, qui professait le droit en Italie avec grande estime, cela se justifie par le comentaire sur les règles du droit et par un livre ancien des promotions au doctorat et aux licences des années 1513, 1514 et 1515.
Il estoit consulté de toutes pars, il y a plusieurs conseils faits à Valence, il fut fait conseiller au parlement de Grenoble, et estant rappelé en Italie il y est décédé comme il se justifie par son epitaphe qui est dans ses oeuvres.
En l’année 1516 a esté docteur régent en droit Lancelot Faliaula, comme il se justifie par le commentaire sur la Loy Cenlurio ff de vulg. et pup. subst. el ad titulum soluto matrim. et de verb. obligal. A mesme temps estoit aussy docteur regent Jean Le Rouge de la Motte, lequel ayant heu une célébré dispute avec Galaula, de dominio et propietate, Il en a faict un traitté. Le Rouge – ou Rubens – estoit natif d’Alexandrie en Italie et avait professé le droit a Padoüe ; il a escrit sur le titre de novj operis nunciaciône, sur la rubriche et la Loy première ff de Jud. sur la Loy l. ff de Testamentis, sur la Loy traditionibus ff de paclis et a faict plusieurs conseils. Pour lors estait aussy docteur regent Anthoine de Dorne, père de Pierre et ayeul d’Anthoine de Dorne qui a esté président au parlement de Grenoble, et d’Aymard de Dorne juge mage de Valence.
En l’année 1517 les Consuls appellerent pour docteurs régents des ultramontins Estienne de Cercano et Anthoine de Piscariis milanois.
En l’année 1525 et 1528 a este docteur régent Iean Baptiste de Palma, italien de nation.
Led. Anthoine de Dorne a enseigné jusques en 1540 duquel le sieur de Marville a plusieurs manuscrits pleins d’érudition.
Estienne Bertrand, jurisconsulte de Carpentras le cite avec estime dans ses conseils.
En lad. année 1540 Mathieu Gribaud a enseigné le droit jusques en 1544 et environ led. temps il fust à Genève et disputa des questions de la religion avec Jean Calvin comme on apprend dans l’histoire de ce temps, il a faict imprimer quelques traittés de droit.
En l’année 1544 Hyerosne Gratus de Bologne en Italie a esté docteur régent.
En lad. année 1544 jusques en l’année 1549 Jean Corras de Tholouse qui avait enseigné à Parme en Italie professa le droit en lad. université où il avait plus de mille auditeurs, et il fist plusieurs de ses commentaires, d’où il se retira pour aller à Tholouse ou il fust faict conseiller au parlement.
En lad. année 1549 Thomas de Mimata de la ville d’Avignon estoit docteur régent avec Jean de Dorne fils d’Anthoine et Andre ab Exea autrement Destret ; il a faict un commentaire sur le titre de pactis et autres du droit et un petit traitté quand les meubles ont suite par hypothèque.
En l’année 1554 Emilius Ferretus de grande érudition, comme justifient ses commentaires sur divers traittés de droit sur l’Institut et autres, enseigna en lad. université; il est fort loué par M. Jacques Cuias qui publie dans ses observations d’avoir profité de ses escrits ; il se retira en Avignon où il est décédé.
En lad. année 1554 Anthoine Govean, portugais d’une grande érudition et d’un esprit excellent quitta l’université de Grenoble qui fut réunie avec celle de Valence en l’an 1565. Il a faict sur le titre de Juridictione et ad legem falsidium. Mestre Cuias dit de luy que s’il eust continué d’escrire sur tout le droit, il aurait désisté de le faire.
En l’an 1557 Me Jacques Cuias aurait quitté l’université de Bourges pour venir enseigner en celle de Valence a cause des dissentions avec Me François du Harent qui estait en grande réputation comme remarque M. de Thou en son hystoire livre 23.
Sa réputation y attira des auditeurs de toutes sortes de nations a cause de son rare scavoir qui esclatait dans ses ouvrages, il y composa ses parabibles sur le Digeste et fist les comentaires sur les questions et responses de Papinian. Il estait fort estimé de Jean de Monluc evesque et comte de Valence et Die duquel il a faict l’apologie a cause des accusations formées contre Monluc qui luy procura la charge de Conseiller au parlement de Grenoble ou il fust receu contre les résistances du procureur général Ruze qui soustenait cette charge incompatible avec celle des docteurs régents. Il fust aussy nommé commissaire par sa Maiesté pour informer contre ceux qui faisoient des transports de bled (hors le royaume) comme il se justifie par les registres du parlement. Il se maria en lad. ville avec la demoiselle du Roure de laquelle il eust un fils qui mourust a Bourges auquel il aurait dédié ses comentaires sur les Loys d’Affricanus. Il resigna led. office a Anthoine de Dornes comme se justifie par les actes imprimés au commencement de ses oeuvres. Il a demeuré à Valence jusques en 1567.
L’an 1559 François Hotoman, parisien, a esté docteur regent en droit en lad. université où il dicta ses notes et commentaires sous le titre de regulis juris mais ayant en difficulté pour la presceance avec les docteurs agrégés il se retira a Heldeberg et a Strasbourg et enfin mourust a Basle en Suisse ou est son epitaphe.
Dans le mesme temps Ennemond Bonnefoy dit Bonefidius du lieu de Chabeuil a aussy professé le droit avec beaucoup d’estime ; il a donné au public des Constitutions des Empereurs d’Orient qu’il a convertis du grec en latin avec quelques notes que, Monsieur Cuias a loué et Monsieur de Thou dans son Hystoire. Il reste quelques manuscrits qui n’ont pu estre donnés au public a cause de la mauvaise escriture comme il est arrivé a Me Charles du Moulin.
L’an 1571 Me François Roaldes que Scevole de Ste Marthe appelle le plus modeste des jurisconsultes de son temps et L’arbitre des différents entre les docteurs en la jurisprudence de son temps, a professé le droit comme tesmoigne Guillaume Mavan en ses parabibles, IL a fait des notes ad hobiliarn imperii romani, il fust choisi et convenu avec Bonefidius pour juger le différent sur l’interprétation de la loy frater a jratre ff de condictione indebitientre Jacques Cuias et François Hotoman.
L’an 1581 Me François Josserand, natif de Tournon, fust appelle pour estre docteur regent dans lad. université, il estait bien versé dans le droit et fort éloquent comme Monsieur Fxpilly l’a remarqué dans ses arrêts, chap. septente quatre sur le subject du procès des docteurs – agrégés de lad. université concernant la prescéance et les droits d’avoir place dans le nombre des sept agrégés. Lequel décédat en l’an 1586.
L’an 1582, Claude Froment, natif du Saint-Esprist, fust nommé pour estre docteur regent après avoir faict plusieurs lectures publiques, il estait très versé dans la theorie du droit et fort employé dans les consultations et arbitrage des plus grandes affaires de la province du Dauphiné et des circonvoisines; il a laissé plusieurs manuscrits dignes de voir le jour et entre autres un commentaire sur la Loy de Modestius et sur les cinquante décisions de l’empereur Justinian, il a esté marié trois fois et a heu plusieurs enfans et pour ses rares mérites a obtenu des lettres de noblesse qu’il a transmises a ses enfants, et entre autre a noble Gaspard Froment duquel il sera fait mention cy après; il décédà l’an 1613.
L’an 1583, maistre Jean Anthoine de Lescure, dauphinois, qui faisait profession du droit à Grenoble fust appelle dans celle de Valence. Il fist imprimer un commentaire sur le titre de Juridictione omnium judicum et sur la Loy Filium quem …familiae hereiscondae, il estait grand amy de Monsieur Cuias qui l’avait voulu attirer dans l’université de Bourges, reconaissant son mérite et son érudition, mais la mort aurait mis fin a son dessein et a ses ecritures.
L’an 1593, maistre Jean Le More, natif du Vivarais, ayant donné des preuves de son érudition, aurait esté fait docteur regent et aurait faict ses lectures durant près de quarante six années ayant esté employé dans les consultations les plus importantes de son temps, dont le mérite ayant esté conneu a messire Jean de la Croix, conseiller au parlement, puis advocat général et après président en lad. cour, et en dernier -‘ lieu évêque de Grenoble, aurait donné tous ses soins pour attacher led. sieur Le More a lad. profession, comme il aurait faict durant plusieurs années, s’occupant a l’etude du droit civil et canon. Il a fait plusieurs notes sur les loix du Code dans le Trésorier pratique du droit. Il est décédé en 1646.
L’an 1596, Anthoine Faure des Bleins, dauphinois, auroit esté pourvu d’une régence en droit civil et canon dans lequel il estoit fort experimenté comme tesmoigne le livre qu’il a faict imprimer soubs ce titre Melhodica instructio ad theoriam et praxim beneficiorum ecclesiaslicorum et l’institut du droit canon qui a esté donné au public après sa mort : son éloge est au commencement de cet ouvrage faict par le sieur de Marville qui a heu sa bibliothèque dans laquelle sont plusieurs manuscrits sur l’astrologie où il estoit bien versé, et une description des diocezes de France et encore une table des médailles de tous les empereurs de l’empire d’Occident et d’Orient. Il est enterré dans l’église de Saint Apollinaire ou se voit son epitaphe (2).
L’an 1602, Charles du Bonnet Fine, célèbre advocat au parlement de Grenoble pour son éloquence et son érudition aurait esté appellé à la première regence en droit de lad. université où ayant faict la profession durant sept ans et obtenu des lettres de noblesse il se serait retiré aud. Grenoble pour y passer le reste de ses jours avec les biens qu’il s’cstait acquis et serait décédé en lad. ville de Grenoble. Son epitaphe est dans l’église de Saint André. Il estait descendu de la famille d’Oronce Fine qui a restably la science de mathématique et astrologie soulz François premier, il estait natif de Gap, duquel S(cévole) de Ste Marthe a faict l’eloge et de Jacques Joubert, natif de Valance, lequel a esté premier professeur de medecine dans l’université de Montpellier et a laissé plusieurs traités.
En lad. année 1602, noble Gaspart Froment, fils de Claude a esté appelle a une regence en droit ou il a continué iusques a son descés arrivé en l’année 1662 ; il estait fort versé dans la science du droit et des lettres humaines. Il fust député de lad. université pour le procès intenté contre le collège des pères jésuites de Tournon qui s’estait erigé en universié soulz la faveur des seigneurs de Tournon, mais toutes les universités estant intervenues et la cause ayant esté playdée au Conseil, il y aurait heu arrest portant deffense aud. collège de prendre lad. qualité d’université et de conceder des degres de baccalauréat, de licentiés et de maistres ez arts. Le factum que fist led. sieur Froment est dans le Mercure Français avec l’arrest.
Il est décédé en l’année 1662, laissant noble Claude Froment, son fils, conseiller au parlement de Metz, recommandable par son érudition et vertu qu’il a cultivées par ses études dans la bibliothèque de son pére, composée de livres fort choisis de toute science, dont il est faict mention dans ceux qui ont escrit des bibliothèques choisies de France.
L’an 1609 le Sr Denys de Godefroy, docteur régent à Heyidebert en Alemagne, auroit esté conduict à Paris de l’advis et en présence de Monseigneur le Mareschal, à laquelle conduicte n’a peu estre satisfaict, s’en estant excusé apprès plusieurs sollicitations.
L’an 1613, le seigneur duc de Lesdiguiéres, pour lors mareschai de France et après connetable gouverneur de la province du Dauphiné, aurait pris soin de faire pourvoir lad. université de maistre Julius Pacius, natif de Berigne, petite ville soubs la domination de l’estat de Venise, dont la réputation estait générale par toute l’Europe pour avoir enseigné le droit dans, plusieurs universités, comme a Padoue, a Heildeberg, a Montpellier et a Valence, ayant donné plusieurs ouvrages de droit au public et entre autres les Ixogoges sur le droit civil et canon, une analyse sur l’institut et le ‘code, le livre de methode sur une partie du digeste, un traitté des contrats, les centuries pour concilier les Loys contraires qui sont appellées « mautiophanon » et outre le commentaire sur l’organe d’Aristote et les livres de la physique. 11 avait fait imprimer le cours civil avec des notes qu’il avait dédié à M. Cuias. Il était versé en toutes les sciences et langues occidentales, orientales, par la grande assiduité qu’il donnait à l’estude, et sa profession dans laquelle il a excellé par la pureté et netteté de son esprit.
Il est décédé en la ville de Valence en l’année 1635 et est enterré dans l’église de Saint Jean.
Sa représentation est dans un tableau de la bibliothèque qui est conservé par noble Pacius, ses deux petits fils avec ses deux enfants. Son éloge est rapporté par plusieurs qui l’ont composée.
L’an 1620, Pierre du Bubie, natif de La Vache, proche de Valence, après avoir donné des preuves de ses estudes en la jurisprudence durant cinq années pour obtenir l’agrégation en la faculté de droit, il aurait esté nommé en une regence de droit où il se serait acquis beaucoup d’estime ; il a laissé plusieurs manuscrits, qui servent de preuve de ses veilles et de son érudition, qu’il aurait donnés au public s’il n’avait été prevenu de la mort en 1647, agé de 53 ans ; il est enterré aux Minimes de Valence.
L’an 1635, led. sieur des Bleins estant décédé la regence aurait esté mise a la dispute, laquelle ayant esté ordonnée par arrest du parlement de. Grenoble, elle aurait esté adjugée à M. Laurent Crozat, lequel ayant faict des lectures avec beaucoup de réputation durant vingt années il aurait obtenu des lettres de noblesse qu’il a transmises à sa postérité.
L’an 1647, led. sieur Iean le More estant décédé, il y aurait heu diverses nominations pour lad. premiere regence vacante par led. décès, tant en faveur dud. s. Gaspard Froment que le sieur Polier, professeur en droit à Tholose, et en faveur de maistre Annibal Fabrot, premier professeur en droit dans l’université d’Aix, lequel ayant esté employé dans l’imprimerie du Louvre pour donner au public l’histoire byzantine et plusieurs autres ouvrages, et entre autres une version des Basiliques sur l’original tiré de la bibliothèque de Monseigneur le Chanceiller Seguier et une nouvelle édition des oeuvres de M. Cuias, il aurait résidé à Paris où il est décédé.
Cependant lad. université ayant esté reduite aud. sieurs Froment et Crozat, Me Anthoine de Marville, advocat au parlement de Grenoble, aurait esté pourvu en 1649 d’une regence en droit tant par arrest dud. parlement que par l’approbation de lad. université, et le dit sieur Fabrot s’estant demis de lad. regence, il aurait esté pourvu d’icelle et a continué de faire les lectures durant vingt années, il a donné au public le Code theodosien avec les notes de Me Jacques Godefroy et plusieurs additions qu’il y a faites, lequel travail a esté bien reçu de tous ceux qui aiment la belle jurisprudence.
L’an 1652, Me Pierre Pan, docteur agrégé en lad. université aurait esté pourvu d’une regence en droit dont il faict les lectures.
L’an 1659, Me Jacques de Bourcet, aussy docteur aggrégé de lad. université aurait été pourvu d’une régence en droit dont il a faict les lectures – avec sesd. collègues lesd. sieurs de Marville et Pan.
L’an 1662, Me Michel Aubert aurait esté pourvu d’une régence en droit dont il ne faict les lectures pour avoir esté employé dans les affaires de Monseigneur le duc de Lesdiguières à Paris. »
Notes
(1) Premier – Il n’est fait aucune mention de Orlhon. et de Pierre Millet (1546 et 1568) pas plus que des docteurs qui professèrent jusqu’en 1512. (Histoire de l’Université de Valence, par l’abbé Nadal, pages 27 et suiv.)
(2) Epitaphe – Plusieurs épitaphes de la famille Faure des Bleins dont une composée par le professeur existent encore. M. le chanoine Perrossier les a publiées dans son Recueil d’inscriptions chrétiennes du diocèse de Valence (Bull. cit., t. II, p. 211-9, n° 16-19).
Sources : Bulletin de la Société d’archéologie et de statistique de la Drôme (1928)