R.P. DOM AYMON D’AOST
( ? — 1330)
Un personnage natif d’Aouste inconnu des Aoustois
AYMON d’Aost ou d’Aoust, en Valentinois,au diocèse de Die, était profès de la Grande Chartreuse (de 1313 à 1329); d’après le traducteur de la chronique de Dorland il « estoit homme si docte qu’il pouvoit donner la leçon aux théologiens, comme montrent encore pour le présent ses escrits,il estoit plus grand en la dévotion et saincteté. » Les écrits de Dom Aymon ne sont pas parvenus jusqu’à nous et nous ignorons quels sujets le savant théologien avait traités. Ce Général fit aussi réunir en un volume toutes les Chartes et les Bulles qui concernaient l’Ordre des Chartreux , mais ce précieux manuscrit périt malheureusement dans l’incendie qui eut lieu à la Grande Chartreuse quelques années plus tard.
La chronique publiée par Dom Martène rapporte que le Révérend Père Aymon fit rebâtir le Monastère du Désert de Chartreuse, presqu’entièrement détruit par un incendie au commencement de mai 1320 (entre le 6 et le 11 mai 1320, durant le chapitre général, dévastation totale des bâtiments du fait d’un feu de cheminée à l’hôtellerie). Le feu s’était déclaré dans l’appartement où se trouvaient logés les serviteurs d’Othon de Grandson venus pour demander l’incorporation de la Chartreuse de la Lance. Les pertes furent considérables, surtout en manuscrits, mais le mâle courage du Général ne défaillit pas au milieu de ces rudes épreuves. Il se mit à l’œuvre et reconstruisit en pierres les cellules et les principales obédiences; grâce aux cotisations de toutes les Maisons de l’Ordre et aux libéralités d’un grand nombre d’Évêques, de princes et de seigneurs qui se firent un honneur de venir au secours des Chartreux.
Jusque-là le cloître ne contenait que treize ou quatorze cellules ; Dom Aymon,de concert avec le Chapitre Général, décida de bâtir ce qu’on a appelé le second cloître. Cette résolution avait pour but « de subvenir aux nécessités de l’Ordre qui avait besoin de sujets pour les nouvelles Maisons. » En effet les Chartreux continuaient de se répandre dans toute l’Europe, et sous l’administration de Dom Aymon, on compte vingt-cinq nouvelles fondations.
Le zèle de cet illustre Général pour sauvegarder les biens et les droits du Monastère de Chartreuse nous apparaît dans un fait rapporté par Dom Dorland, d’après la vieille chronique de l’Ordre. Laissons la parole au naïf traducteur : « Aymarus ( Guillaume II de Montbel, d’Entremont) usurpoit des droits sur les biens et possessions de la Chartreuse, dont il advint que lorsque l’on célébroit le Chapitre Général, il envoya ses sergeants pour rompre le pont de la Chartreuse et faire autre violence. Le Révérend Père craindant plus grande insolence faict insinuer au comte de Savove et de Vienne l’affronterie de ce seigneur, désirant en avoir raison ; mais comme les princes portoient grande affection à ce seigneur, ils ne firent cas de la complaincte du Révérend Père. Ce pourquoy il fut contraint de faire plainte au roy, ce qu’entendant il commanda au comte d’en faire la vengeance, ou autrement que détruisant la Maison de Chartreuse, laquelle ils méprisoient, il en feroit une autre plus noble et mieux bastie. Le Daulphin et le comte craindant perdre la Maison commandèrent à Avmarus et ses enfants de marcher vers la Chartreuse la corde au col et se prosterner aux pieds des Religieux, ce qu’ils firent ayant auparavant iuré de ne plus prétendre à aucun droict. » Il est impossible de trouver une preuve plus convaincante du désir et de l’intérêt que les souverains et les seigneurs apportaient à posséder des Chartreux dans leurs Etats ou sur leurs domaines.
Depuis longtemps, le Révérend Père Aymon d’Aost désirait se retirer dans une cellule du cloître pour se préparer à la mort; ses instances furent si pressantes que le Chapitre Général accepta enfin sa démission en 1329. L’année suivante, il remit son âme entre les mains de Dieu. D’après la tradition, le tombeau de ce Général serait le plus ancien du cimetière actuel de la Grande Chartreuse(1).
(1) Chronicon cit. ap. Martène, t. VI. Veter.Scriptor.p 204.— Dorlandus et son traducteur Adrian Driscar, lib. IV, cap.xix et xx. — Pétréius, Elucid., lib. IV. — Morozzo, op. cit. p. 23. — Dom Le Coulteux, Abrégé des Annales, Ms. — De Trac .p. 256. — La Grande Chartreuse, p. 67 et sq.
Sources :
Extrait de « Saint Bruno et l’ordre des Chartreux » par l’abbé F.A.Lefebvre, membre de l’Académie d’Arras
http://www.archive.org/details/saintbrunoetlordre
Ci-dessus, une gravure du XVIIIe siècle représentant le monastère de la Grande Chartreuse, peu avant la Révolution – Divine Box
La Grande Chartreuse
Le monastère de la Grande Chartreuse se trouve dans les Alpes, dans le massif de la Chartreuse,.
La communauté regroupe quelques moines qui y vivent en ermite et ne prennent qu’un repas par jour. Ils sont notamment mondialement réputés pour leurs liqueurs verte et jaunes, produites depuis plusieurs siècles !
En 1084, saint Hugues, alors évêque de Grenoble, a une vision. Il voit 7 hommes désireux de louer Dieu au cœur d’une montagne nommée « Chartreuse”. C’est alors que Bruno, universitaire à Cologne, lui rend visite avec ses six compagnons. Saint Hugues y voit en effet un signe de la Providence et décide d’emmener Bruno dans la montagne, le lieu parfait pour prier !
Bruno décide alors de construire un lieu qui allie vie solitaire et… vie communautaire. Un subtil équilibre qui se retrouve, par ailleurs, dans la construction même du monastère. De petites cellules en bois, indépendantes, sont en effet reliées par une galerie qui débouche sur une église et un réfectoire.
Une fois la construction terminée, Bruno est appelé auprès du pape pour le conseiller, mais ce rôle l’ennuie profondément. Il part en Italie, en Calabre, pour fonder la deuxième « Chartreuse » de l’Histoire. !
À la mort de saint Bruno en 1101, aucune règle communautaire n’est encore écrite. Mais même si la coutume orale fonctionne alors à l’époque, en 1121, le prieur général, « Guigues le Chartreux », a le souci de pérenniser l’organisation de l’ordre.
En 1127, les « Statuts » (la règle des chartreux) sont approuvés, et se diffusent progressivement aux différentes chartreuses qui se développent partout en Europe. Les chartreux actuels suivent toujours les préceptes de 1127 !
Heureusement que tout s’organise, car au XIVe siècle, à l’apogée de l’ordre, on compte 150 chartreuses en activité ! Chaque maison est alors représentée par un prieur, qui s’en réfère au père général, qui est le prieur du monastère de la Grande Chartreuse.
Ensemble, ils tentent de se réunir régulièrement pour discuter des évolutions de l’ordre et… déguster un verre de liqueur (anecdote véridique) ! Mais malheureusement, après de belles années, la suite n’est pas toute reluisante pour ces moines cherchant Dieu dans la solitude…
En effet, depuis la fin du XIVe siècle, les guerres provoquent la fermeture progressive des maisons. Le monastère de la Grande Chartreuse lui-même subit notamment de nombreux incendies. Et même si le monastère a toujours été reconstruit à l’identique, les moines ont souvent dû quitter les lieux pour se protéger !
C’est notamment le cas entre 1789 et 1816, quand l’Etat décrète que les biens de l’Eglise appartiennent à la Nation. Il n’y a alors plus de maisons vivantes en France.
En 1903, une loi dissout les congrégations, dont celle des chartreux, mais le père général de l’époque tente de défendre sa cause. Sa lettre aux autorités, relayée par la presse, crée un petit soulèvement populaire. Des milliers d’habitants locaux se rassemblent alors sous les murs du monastère pour empêcher l’expulsion des moines !
Mais après plusieurs jours de lutte pacifique, les gendarmes vident finalement le monastère le 19 avril, au milieu des habitants en pleurs. Même les gendarmes, honteux, se découvrent au passage des frères…
La vie du monastère de la Grande Chartreuse a repris en 1940, après un exil de 37 ans en Italie… ! Aujourd’hui, ils sont une vingtaine sur place, et suivent toujours les « Statuts » de 1127. Leur prière est d’abord solitaire en cellule, mais ils se retrouvent en communauté pour la messe, les vêpres à 18 h et les matines à 1h du matin.
De plus, ils étudient et travaillent de leurs mains, par exemple à l’entretien de leur jardin ou à la fabrication des coffrets de la liqueur de Chartreuse.
Mystérieuse Chartreuse
Depuis 1737, les chartreux élaborent des liqueurs à la renommée mondiale, issues d’un mystérieux parchemin reçu en 1605, détaillant la recette d’un élixir végétal aux 130 plantes. Aujourd’hui, les deux moines qui supervisent la production sont les seuls au monde à connaître les ingrédients et le processus de fabrication de chaque liqueur. C’est pour cela, par exemple, qu’ils ne voyagent jamais dans la même voiture. La fameuse chartreuse verte, elle, date de 1764.