Canal de Blacons





Canal de Blacons





La prise du canal d’amenée d’eau se trouve sur la Gervanne, rive gauche, au dessus du hameau des Berthalais à environ 2500 mètres de l’ancienne usine Latune. Après avoir suivi la rivière de Gervanne, il s’établit à flanc de coteau pour arriver à Blacons, d’où il mettait en action les papeteries et moulins. Les eaux étaient rendues à la rivière un peu en amont du pont de la route départementale. Le long du canal les eaux irriguaient les prés et jardins.


 

Au Moyen Âge, les premiers textes conservés concernent la paroisse de Montclar. En 1326, dans une charte qui cite l’écluse de Vaugelette, le comte de Valentinois autorise les habitants à dériver l’eau de la Gervanne, à l’écluse de ses moulins, pour irriguer leurs prés, sans dommage.

En 1490, les habitants de Mirabel demandent au Parlement de Grenoble l’autorisation de capter les eaux de la rivière dans le mandement de Montclar, extra fontem de la Roveyra, et de la conduire à Mirabel pour y faire des prairies. Ils affirment vouloir se charger eux-mêmes des travaux, y compris les ponts et les écluses, à la seule condition qu’on leur permette de prendre le bois nécessaire à ces travaux dans le mandement de Montclar. Ils offrent de donner chaque année une poule ou un sou au dauphin. Ils obtiennent l’autorisation demandée, mais en payant 10 sous par an et un denier tournois pour chaque sétérée de terre irriguée ).

Depuis le XVe siècle au moins existent, près du pont sur la Gervanne, des moulins à farine. Jean de Poitiers les avait loués, le 7 octobre 1406, aux familles de Mirabel et d’Aouste. Celles-ci reconnurent, en 1486, les tenir en bail de l’évêque Mgr de Balsac. En 1608, à la demande du prélat Pierre-André de Léberon, le seigneur Alexandre d’Armand de Forez-Mirabel remplit le même devoir féodal.

Dans la liste dressée par l’intendant de la province de Dauphiné Fontanieu en 1730, il est mentionné que les moulins sont accompagnés de foulons et d’un moulin à papier actionné par le canal. L’installation est rustique, avec des presses à bras et un martinet à triturer les chiffons. Elle produit uniquement du carton et figure. Au début du 19e siècle, elle est abandonnée depuis des années et ses bâtiments sont en ruines.

Au milieu du XVIIIe siècle, pour le compte du marquis de Blacons, le Florentin Passy qui était venu s’établir à Crest au XVIIe siècle, installe des moulins à papiers actionnés par les eaux de la Gervanne.

La terre féodale de Blacons avait été vendue, en 1791, par le fils du seigneur de Blacons à Marc Dolle qui l’avait lui-même cédée à Jean-Paul Didier, avocat, domicilié rue Chenoise à Grenoble, pour 100 000 F, le 27 octobre 1802.

Le 25 floréal An XI (15 mai 1803), Mr Lantheaume propriétaire des usines des Berthalais engage une instance devant le Conseil de Préfecture de la Drôme relative à l’usage des eaux. Ce tribunal dans un jugement du 16 brumaire An XII (8 novembre 1803) répartit les eaux entre les usines des Berthalais et de Blacons. Cet arrêté organise le partage des eaux du canal – rive gauche – de Blacons pour la papeterie et le canal – rive droite – de l’usine des Berthalais comme suit 3/4 et 1/4. L’eau utilisée à Blacons doit être rendue au canal d’Aouste par un  canal en bois traversant la Gervanne. Un différend sur le partage des eaux perdure et est réglé par le préfet en 1804. Ce canal en bois semble disparu en 1823.

Les eaux de la Gervanne étaient reconnues comme particulièrement pures et surtout qu’elles se clarifient beaucoup plus rapidement que celles de la Drôme après une crue. Cette qualité de l’eau contribuait à la renommée du papier de Blacons et la plupart des riverains du canal l’utiliseront comme eau potable jusqu’à la mise en place du réseau communal en 1962.

Le 12 avril 1806 à Grenoble, devant les notaires Nicolas Pierre Trembley et Arthaud, Didier revendit la terre de Blacons, en deux lots, pour un total de 150 000 F. La transaction eut lieu rue de la citadelle à Grenoble, au domicile de Magdelaine Calviere Boucoiran, veuve de Jacques Charles Philippe Armand Forest Blacons, qui conservait l’usufruit, à la suite du testament de son mari reçu par Maître Bancel, notaire à Allex, le 1er mai 1787.

Les deux frères, Paul René Elisabeth et Barthélémy Lombard Latune, achètent le deuxième lot comprenant « une fabrique à papier et en dépendances foulons et bâtiments y attenant, moulin à bled, pressoir à huile, gruois, bâtiments y contigus meules à chanvres, situé à Blacons, foulons près le ruisseau de Gervanne et au midi du grand chemin ». Le lot comprend encore les terrains et prairies situés au nord des usines avec la prise d’eau dans le ruisseau de Gervanne, ….

Les deux propriétés sont soigneusement délimitées, avec plantation de nouvelles bornes, Elles « seront séparées du nord au midi par le canal des artifices et par celui d’arrosage du Grand Domaine élargi, et du levant au couchant par une ligne droite qui suivra la direction du mur de clôture septentrionale du jardin vendu depuis le bord occidental du mur dudit canal d’arrosage jusqu’au ruisseau de Gervanne, lequel canal d’arrosage qui flue actuellement contre le mur oriental de la fabrique à papier sera porté à 4 m de distance du même mur et au levant d’iceluy ». Les acheteurs auront par ailleurs la faculté d’élargir le canal.

Les droits d’eau sont, eux aussi, rigoureusement définis :  » la propriété vendue aura le droit d’arrosage « ordinaire et sans abus » depuis le samedi à midi jusqu’au lundi à midi de chaque semaine. En cas insuffisance ou manque total d’eau pour arroser les propriétés vendues, l’acquéreur pourra dériver « aux endroits accoutumé le tiers de l’eau du canal …. depuis six heures après-midi du jeudi jusqu’à 4 heures du matin du lendemain vendredi de chaque semaine seulement dans les mois de mai juin juillet août II pourra dériver journellement 27 mm cubes ou un pouce d’eau forcée et doit 8 journées de manœuvre pour le repurgement du canal des usines… »

En 1823 la commune d’Aouste vend aux papeteries Latune  la parcelle de terrain qui servait de déversoir d’eau à la sortie des turbines et sa restitution au canal d’Aouste. Cette acquisition leur permit d’abaisser le canal de fuite de leurs usines et d’utiliser à leur profit la chute disponible.

En 1905, pour suppléer à la baisse des eaux en été, les papeteries Latune construisent un canal de 1700 mètres dérivé de la Drôme, au départ du ruisseau de Nodon pour alimenter une turbine électrogène située à l’embouchure de la Gervanne.

Le 18 août 1908 , une pétition est faite à l’encontre des Usines Latune par Mrs Filliat, Terrail Apaix et Mme Chorier se plaignant des agissements des propriétaires de l’usine de Blacons qui détournent à leur profit la plus grosse partie des eaux de la rivière de Gervanne laquelle alimente le canal d’amenée de leurs usines. Est en cause le barrage ayant subi des travaux importants de surélévation en a relevé le plafond d’une hauteur de trois mètres. Le 25 mai 1909, l’ingénieur en chef déclare que : « une intervention de l’Administration ne serait pas justifiée. Il leur appartient, s’ils estiment leurs droits lésés, de les faire valoir devant les tribunaux compétents. « 

Au plus fort de son activité, dans les années 1970, la force motrice faisait tourner 6 turbines hydrauliques actionnant la totalité des machines.

Le canal de la rive gauche de la Gervanne est toujours en activité et fournit la force motrice pour la centrale électrique du seul bâtiment des papeteries non acheté par la commune mais par un particulier.