Arrestation de Montbrun – La bataille du « Pont de Blacons »



ARRESTATION DE MONTBRUN
LA BATAILLE DU « PONT DE BLACONS »


 



Un épisode important des Guerres de Religion est la bataille du « pont de Mirabel » (pont sur la Gervanne, à l’époque en limite d’Aouste et Mirabel). Le duc de Montbrun (1530-1575) y est fait prisonnier ;  Montbrun fut le capitaine du Baron des Adrets lors des massacres de Lyon en 1563 et  chef des protestants du Dauphiné avant Lesdiguières, il avait déjà, en 1550, assiégé Aouste et détruit les prieurés. Au « pont de Blacons », les troupes royales perdirent 200 hommes et une vingtaine de protestants seront aussi tués.

Ayant échappé au massacre de la Saint-Barthélemy, Lesdiguières (alors chef protestant) prend, au printemps 1573, La Mure et Veynes, reprend Corps et Romette ; Gap est investi mais ce ne sera que le 5 juin 1575 que Lesdiguières provoque une sortie des catholiques gapençais et les bat au quartier de Buzon ; l’évêque de Gap s’enfuit alors à La Baume-de-Sisteron.

Le 12 juin 1575, en tentant de reprendre et fortifier Châtillon-en-Diois, Lesdiguières est pris à partie par une sortie de la garnison catholique de Die, composée d’arquebusiers dauphinois et d’une compagnie de Suisses. C’est au prix de la mort de 800 Suisses que leurs capitaines peuvent regagner l’abri des remparts de Die. De Gordes, lieutenant de Lesdiguières, bloqué dans Die, les villes de Lyon et Grenoble envoient une armée de secours à Romans sous les ordres d’Ourches et de Lestang. Cette armée rencontre les soldats du duc Dupuy de Montbrun près du pont sur la Gervanne, début juillet 1575.

Le 4 juillet, Dupuy de Montbrun est fait prisonnier, suite à une chute de cheval, en sautant un canal lors de la bataille du pont de Blacons (notes A et B) – on dit aussi pont de Mirabel – près de Saillans. Un témoin, le capitaine Arabin, fidèle de Lesdiguières a raconté cette bataille :«  Monsieur de Montbrun arriva au pont, prié qu’il fut de l’advertissement de monseigneur des Diguières, il estoit alors appuyé sur mon espaule et n’y voulant acquiescer, s’escria : Passe ou me lesse passer. J’us l’honneur de le suivre de prais en cette charge ou pour recompense j’en raportay cinq coups d’espée, mais le bon seigneur y desmura prisonnier. Je fus le dix septiesmes des nostres qu’on croyait morts. L’ennemy receut plus grand eschet. Monseigneur des Diguières en deffit de quatre à cinq centz fantassins et une compagnie d’arquebusiers à cheval, commandée par le sieur de Valfanier qui y desmura ».(1)

Montbrun « le Vaillant » est jugé par le Parlement de Grenoble, il lui est interdit de s’adresser au peuple sous peine d’avoir la langue coupée ; il est décapité le 13 août 1575, sur ordre d’Henri II qu’il avait défié et auquel il avait ensuite volé un de ses convois de fonds en déclarant « le cul sur la selle, nous sommes tous compagnons » (2). Son château de Montbrun-les-Bains est rasé (3). Le fils de Montbrun sera aussi capitaine et luttera pour la défense de Privas assiégée par Louis XIII en 1629.

Concernant l’exécution du Duc, J. D. Long rapporte cette phrase de Jean de Serres, historiographe et ami d’Henri IV : « Dans nos guerres civiles, il n’y a point de Victoire : la patrie perd toujours ses enfants, et la victoire est déplorable pour les vainqueurs » (4).

 

 René Descours


(1) desmura – – Jacques Auguste de Thou, Histoire Universelle volume 5, Londres 1734, pages 202 à 204.
(2) compagnons – J. N. Courriol «  La Clairette de Die », page 68, Le Crestois, 2008.
(3) rasé – Edmond Banon, Montbrun ou les huguenots en Dauphiné pages 304 à 310.
(4) vainqueurs – J. D. Long, La réforme et les guerres de religions en Dauphiné 1560-1598 pages 147 à 149.


On lira avec intérêt :
– J. Chevallier, Essai historique sur l’Église et la ville de Die, tome 3, 1909.


Notes A et B : Au vue de récits d’auteurs anciens, il s’agirait du franchissement du canal des moulins de Blacons (canal Latune).


A – D’après  » Histoire de Charles Dupuy, surnommé le brave, seigneur de Montbrun  » de J.-Cl Martin  – 1816


Cet avantage enhardit les troupes catholiques. De toutes parts elles pressent Montbrun; un nombreux escadron de cavalerie l’environne. Montbrun, abandonné des siens, dans la triste alternative d’être tué ou fait prisonnier, pousse à toute bride son cheval pour franchir le canal d’un moulin ; épuisé de fatigue, le cheval le franchit à demi, tombe, se renverse sur Montbrun et lui casse la cuisse. François d’Urre, seigneur d’Ourches, et François Dupuy-de-Rochefort lui promettent la vie sauve. A cette condition , il se rend à eux, et ils le tirent de cet endroit.


B – D’après les Mémoires des frères Gay de Die (1547-1586)

La mêlée est terrible, sanglante. Écrasés par-le nombre, les huguenots succombent ou prennent la fuite. Après avoir combattu avec l’énergie du désespoir, Montbrun demeuré presque seul sur le champ de bataille, songe enfin à chercher-son salut dans la fuite, mais le coursier qui l’emporte s’abat lourdement en franchissant un canal, et dans cette chute malheureuse l’infortuné capitaine se brise la cuisse. Il ne tarde pas à être entouré et, pour échapper à une mort certaine, il ne lui reste d’autre ressource que de se constituer prisonnier de guerre. C’est entre les mains de Rochefort, son parent, qu’il se livre, avec promesse qu’on respectera sa vie. Ourches arrive aussitôt ; il lui fait entendre de consolantes paroles et promet avec serment qu’il ne lui sera fait aucun mal. Cette célèbre bataille fut livrée le 9 juillet 1575. On connaît la fin tragique de Montbrun…