LE CORPS ELECTORAL A AOUSTE SUR SYE 1832 – 1863


Le corps électoral à Aouste  1832-1863

ou l’apprentissage de la démocratie au XIXe siècle.



Sous l’influence des philosophes du XVIIIe siècle, une nouvelle organisation politique s’est installée en France. Des violences du siècle suivant naissent tous les types de régime politique. Le chemin vers la démocratie fut, en France, très tortueux !

 L’Assemblée Constitutionnelle de juillet 1791 avait adopté le suffrage censitaire. La Constitution du 5 Fructidor an III (23 août 1795) établissait que « les jeunes gens ne peuvent être inscrits sur le registre civique s’ils ne prouvent qu’ils savent lire et écrire, et exercer une profession mécanique…».Il est nécessaire pour être électeur dans les communes de moins de 6 000 habitants, d’être « propriétaire ou usufruitier d’un bien d’une valeur évaluée à la valeur locale de 150 jours de travail….». Le Consulat (an VIII) instaure le suffrage universel masculin limité et indirect. Les préfets choisissent et révoquent à leur gré maires, adjoints, fonctionnaires.

La Restauration revient au suffrage censitaire favorisant les propriétaires fonciers. Sous la Monarchie de Juillet, les montants du cens (des impôts payés) sont différents selon les types d’élections (municipales ou législatives). Les personnes payant le cens sont électeurs. Il y a trois types d’électeurs : « les électeurs censitaires » – qui peuvent ne pas résider dans la commune – et sur une liste complémentaire appelée liste des qualifiés, « les électeurs censitaires suppléants » et « les électeurs censitaires adjoints » qui eux doivent résider dans la commune et y exercer des fonctions administratives. « De nombreux membres de la moyenne bourgeoisie acquièrent alors le droit de vote »(1).

Pour les élections municipales de 1832, les électeurs censitaires doivent être âgés de 25 ans et payer au minimum 200 francs de cens (environ 450 euros, le salaire mensuel effectif d’un ouvrier est de 40 francs pour 15 heures de travail par jour). Pour les élections législatives, l’âge minimum est de 30 ans et il faut payer 500 francs de cens. Les professions libérales et les notables votent, à partir de 100 francs de cens. Suite à diverses modifications, fin 1847, en France, le corps électoral représentera un électeur pour quarante citoyens. Aux élections municipales, tous les électeurs sont éligibles, le maire est nommé par le préfet parmi les membres du conseil municipal. Les maires de chefs-lieux d’arrondissement sont nommés par le roi (1).

à Aouste, 55 personnes composaient le corps électoral pour les élections municipales de 1832 (la population totale de la commune était, en 1831, de 1148 personnes). La liste des électeurs indique nom, prénom, profession, titres et fonctions, contribution versée et lieu de résidence. « La contribution aux impôts » la plus élevée est de 394 francs. L’ordre d’inscription sur la liste électorale est celui de la  « contribution aux impôts ». Les électeurs sont tous propriétaires fonciers ou délégués de ceux-ci, sauf Pierre Gresse capitaine de la garde nationale et notaire et Rolland Joseph officier. Le maire est le contribuable le plus imposé. Les électeurs résident soit sur la commune, soit à Lyon, Crest, Allex, Chabrillan, Die. Les premiers électeurs sont Antoine Tavan maire, Jean Pierre Achard receveur général, Athenor Jean Louis juge de paix, Faure Laurent, Peloux Henri fabricant de papier. 110 électeurs composeront le corps électoral de 1835 (2).

Au XIXe siècle, l’apprentissage de la démocratie se fait très lentement ; être électeur est considéré par certains comme « une fonction et non un droit »(1). En 1832 les critères financiers servent aussi la stabilité du pouvoir politique. De 1832 à 1848, le nombre d’électeurs augmentera. C’est la Révolution de 1848 qui instaurera le suffrage universel uniquement masculin ! Le rôle des élus sera quatre ans plus tard sérieusement limité par Napoléon III. Le déroulement des élections est différent de celui que nous connaissons : il faudra attendre 1913 pour que l’isoloir soit obligatoire. La loi municipale de 1855 organise ainsi le vote : appel nominatif des électeurs par ordre alphabétique, ceux-ci apportent un bulletin sur papier blanc préalablement rédigé, ce bulletin fermé est remis au président sans enveloppe, le président le dépose dans l’urne, un des membres du bureau atteste par sa signature que l’électeur a voté, le scrutin dure trois heures. Par ailleurs, les délibérations du conseil municipal ne sont pas publiques.

A Aouste, en 1863, 420 électeurs sont inscrits dont 30 électeurs militaires ; à cette époque le cens n’est plus discriminatoire, la profession est indiquée sur les listes électorales, ainsi, 50% des électeurs sont cultivateurs. à Aouste 21 activités artisanales différentes (charron, « étaminier », horloger, moulinier…) sont répertoriées. En 1863, un tiers des électeurs inscrits n’a pas voté (2).

 « L’apprentissage du politique » sera, par la suite, favorisé par le développement de l’instruction et la liberté de la presse assise sur une très grande variété de titres et d’opinions (1).



(1)- « Electeurs et élections sous la Monarchie de Juillet » conférence de David Colon, 7 novembre 2001,

www.david.colon.pagesperso@orange.fr/Sciences-Po/elections.pdf

(2) – A.C. Aouste : listes électorales de 1832 à 1871 1K

A lire aussi : Alain Sauger : La Drôme, les drômois et leur département 1790-1990, pages 72/73, La Mirandole, 1995.

On lira aussi avec intérêt, les pages consacrées à la Restauration et à la Deuxième République dans l’essai de Joël Schmidt : Naissance et mort des républiques françaises, éd. DDB 2012, ainsi que l’étude d’Alain Garrigou : Histoire sociale du suffrage universel en France, Point histoire, 2002


René Descours



Info : Voir aussi  le livre édité par Histoire et Patrimoine Aoustois – réédition de 2019