Le Carnaval de Romans




Le Carnaval de Romans




En 1580, le carnaval de Romans se transforma en fête sanglante : les notables de la cité dauphinoise, inspirés par le juge Guérin, décident d’éliminer ceux du parti populaire qui avaient créé depuis quelques mois dans la ville une situation révolutionnaire.

Dans le calendrier du christianisme, la période de Carnaval ne peut être dissociée du « Temps du Carême « , période de transition pour les futurs chrétiens qui sont tenus au jeûne avant de recevoir le baptême : 40 jours de jeûne et d’abstinence entre Mardi Gras et Pâques, marqués notamment par la privation de viande. Le Carnaval doit son nom à cet adieu à la bonne chère (carne vale). Carnaval est donc la période où les futurs chrétiens enterrent leur vie de païen : lors du Carême qui suit, les chrétiens renouvellent leur foi. A Romans, en 1580, la période carnavalesque commence pour la Chandeleur (2 février) et la St Blaise (3 février), Mardi Gras tombant le 16 février ( Carême-Entrant, « Carmentrant  » en patois romanais ).

Mais Carnaval est aussi l’héritier des fêtes des fous ou de l’âne, des fêtes païennes et égalitaires de la Rome antique dont il garde la violence et les excès. Carnaval s’inscrit également dans le folklore agraire car il marque la fin de l’hiver : à Romans, les danseurs imitent les gestes agricoles du battage aux fléaux. Ici apparaît le personnage important de  » l’Ours de la Chandeleur  » ; le 2 février, il sort de sa caverne où il hibernait : à Romans pour la Chandeleur 1580, le meneur de la révolte se déguise en ours.

Carnaval est enfin l’occasion d’expulser ses ennemis : pour les pauvres se sont les riches; pour les dirigeants, les séditieux. L’arme utilisée est la satire, le monde à l’envers; le jugement du mannequin, puis sa destruction par le feu, est le mal que l’on détruit.

Au XVIe, le carnaval Carnaval est l’occasion des reynages (confréries de métiers) où l’on désigne, dans les chants, l’ivresse, le théâtre, les danses, les chants, les costumes, un roi de la fête symbolique qui dynamise les foules. Ces confréries, plus d’une dizaine à Romans, correspondent à différents métiers ou groupes sociaux : Saint Mathieu est celle de l’élite dirigeante, Maugouvert est  » l’abbaye joyeuse  » de la jeunesse dorée qui organise des danses et contrôle les mariages, la confrérie Saint Blaise est celle des cardeurs et drapiers.

1579-1580 : la révolte gronde partout en Dauphiné, dans les villes comme dans les campagnes. La France s’épuise dans des guerres de Religion qui n’en finissent pas. Henri III n’est pas un grand roi, sa mère Catherine de Médicis s’efforce de conduire non sans talent une tentative politique de paix religieuse. Paysans face aux châteaux, petit peuple des villes face à la collusion entre bourgeoisie alliée à l’aristocratie, la situation se tend de plus en plus durement. Le cadre du carnaval de 1580 est celui d’une société hautement inégalitaire, qui oppose, non les riches et les pauvres. mais les nantis, grands propriétaires à ceux qui n’ont que leur bras pour travailler, ou de toutes petites propriétés, et quelques outils. Mais surtout elle oppose les privilégiés, nobles et membres du clergé, et ceux qui payent pour eux. les  » taillables « , membres du Tiers État. Les impôts démentiels infligés aux plus humbles par la ville et par le roi alors que nobles et ecclésiastiques bénéficient eux de vrais paradis fiscaux.

L’impôt est inégalitaire, dans le Dauphiné, pays de droit coutumier et, la pression fiscale à la fin du XVIe siècle y est de plus en plus lourde. Elle s’exerce notamment par le biais de la taille, impôt dû au roi, qui est exigée, ce qui est contraire à la coutume héritée du XIVe siècle qui repose sur l’agrément par le pays du Dauphiné, et réclamée en ces temps de guerre.

Comme pour beaucoup de soulèvements populaires des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, la toile de fond est souvent la même : la misère d’une paysannerie écrasée par les impôts.

Là est d’ailleurs la raison essentielle de la révolte. On peut considérer comme tels les régions de droit romain où l’impôt royal, notamment, est assis sur le cadastre; si on appartient aux roturiers, et plus encore au petit peuple; on peut aussi considérer, qu’habiter un pays de droit coutumier où l’impôt est reparti sur les feux roturiers, c’est habiter dans un paradis fiscal pour la noblesse et le clergé et, souhaiter que cela cesse comme les artisans, marchands… et le petit peuple de Romans et les paysans des campagnes alentours…

Elle est aussi le fait des villes, comme à Romans qui accroît l’octroi, le prix des produits alimentaires … pour pouvoir rembourser l’emprunt (60 000 livres), argent qui a peut-être été, en outre, détourné par les consuls comme le soupçonnent les insurgés. Enfin, dans les campagnes, c’est le fait des seigneurs . Cette situation révolte les artisans, boutiquiers, et les paysans du pays..

Les gens du peuple en ont assez de voir les impôts croître et se multiplier sans limites. Les nouvelles taxations décidées par les Etats du Dauphiné en 1578 mettent le feu aux poudres : en août, les notables ont ordonné la levée de 4 écus par feu – famille -, en octobre 2 écus et 40 sols supplémentaires, avant une nouvelle majoration de plus de 15 écus en fin d’année. Afin de se défendre contre les bandes armées qui passent et repassent sur leurs territoires, certaines bourgades se voient contraintes à entretenir une milice permanente pour assurer la protection des biens et des personnes. C’en est trop pour les paysans et les artisans dauphinois. Le soulèvement s’étend dans la campagne mais gagne aussi les gros bourgs .

Les habitants de Romans sont las d’être toujours plus imposés sans avoir leur mot à dire sur la conduite des affaires. Une rancœur considérable s’est développée à l’égard des couches sociales privilégiées, nobles et haut clergé qui échappent à l’essentiel de cette lourde imposition. L’état d’esprit qui règne dans les campagnes avoisinantes est le même : pour une fois, ruraux et citadins sont unis dans leur colère et leurs revendications. L’insurrection qui a débuté un peu plus au Sud, dans la région de Montélimar, fait tache d’huile et remonte peu à peu la vallée de l’Isère en direction de Grenoble. Selon le témoignage d’un notable de Romans, Paumier aurait rassemblé de très nombreux partisans. Dans les environs de Valence, plusieurs coups de main contre les troupes de passage sont couronnés de succès. Peu à peu, le mouvement s’organise.

La base du mouvement insurrectionnel est la ville de Romans (6742 habitants à l’époque). La population active du bourg est constituée de nombreux artisans, travailleurs du cuir et du drap, ruinés par la hausse des prix des matières premières et les lourdes taxes dont ils doivent s’acquitter. Ce qui est certain c’est que le mouvement est d’une ampleur suffisante pour inquiéter le pouvoir royal.

A ces rancœurs se sont ajoutés les troubles graves des guerres de religion, massacres, villes mises à sac, ajoutant une raison de plus de se haïr. Le commerce est déstabilisé par les Guerres de Religion, les artisans romanais du cuir et du drap sont ruinés par la hausse des prix des peaux et de la laine. A ce tableau inquiétant, s’ajoutent les souvenirs de la Saint Barthélémy 1572 : les Protestants (Huguenots) recrutent encore chez ces artisans opposés à une bourgeoisie catholique; les autorités locales dénonçant l’influence des protestants. Les années de mauvaises récoltes, les épidémies de peste (1564, 1586), déciment la population, faisant peser plus lourd les tailles et autres taxes sur les paysans et les artisans et commerçants.

Le 18 juillet, la reine-mère Catherine de Médicis arrive à Romans, et trouve la ville contrôlée par les petits artisans et la plèbe, espérant que la présence de son armée rétablira l’ordre.

Pendant le séjour de Catherine de Médicis à Grenoble après Romans et Montélimar –  » les députés des dix villes, appuyés par Faure, un des consuls de Grenoble, présentèrent à Catherine de Médicis, au nom du tiers-état, des remontrances au sujet des tailles dont le clergé et la noblesse l’écrasaient.

La présence de Catherine de Médicis et le fait qu’elle accepte de recevoir un porte-parole des  » vilains « , calme effectivement les esprits pendant quelques jours, mais aussitôt qu’elle repart, l’agitation reprend de plus belle et la tension monte d’un cran pendant l’hiver. La reine, craignant d’indisposer les esprits, ne voulut pas prendre une résolution ; un grand nombre de catholiques se déclarèrent alors contre la cour ; les mécontents formèrent plusieurs corps sous le nom de  » défendeurs de la cause commune « , C’est un échec. Les exactions reprennent après le départ des autorités royales, et se poursuivent dans les mois qui suivent. En janvier 1580, Jean Serve s’autoproclame consul de la ville et chasse de leurs postes tous les dirigeants qui n’ont pas pris fait et cause pour son parti. Parmi les notables  » évincés « ,  le juge royal Guérin, auquel beaucoup reprochent le rôle répressif qu’il a tenu à l’encontre des Huguenots au moment de la St Barthélémy. Ce personnage va jouer un rôle sinistre dans la suite des événements. Les guerres de religion continuent et l’opposition entre catholiques et protestants s’est – elle-aussi – invitée dans ce conflit à dominante économique, mais de façon quelque peu indirecte.

La guerre ne tarda pas à se rallumer. L’explosion paysanne est relayée par les citadins.

De la simple diminution des impôts, les révoltés en exigent bientôt la disparition, alors que la noblesse est exemptée et que les riches trouvent des accommodements. A Romans, plusieurs corporations d’artisans, dont celle des drapiers, très influente, organisent leur milice. Les paysans des alentours se joignent à eux. Un drapier charismatique de la confrérie de Saint Blaise est élu le 3 février, à la tête des insurgés. Il se nomme Jean Serve, plus connu par son surnom de Paumier.

Des seigneurs sont pris à partie et à Romans. Nobles et riches locaux, qui peuvent rêver d’anoblissement, voient dans ce mouvement populaire une remise en cause de leur prédominance et de leurs privilèges naturels, ils y sont formellement opposés et organisent la répression, la réaction.
Cet acte ultime d’indiscipline va pousser l’autorité royale à réagir. Ses représentants n’ont en effet pas dit leur dernier mot et attendent leur heure pour reprendre les affaires en main. Tapi dans l’ombre de sa demeure bourgeoise, le juge Guérin prépare sa revanche. Les incidents se multiplient dans les rues de la ville. La colère des insurgés grandit face au silence d’un pouvoir qui mise sur le pourrissement de la situation : aucune des revendications formulées par Paumier et sa troupe n’a abouti et celles-ci deviennent de plus en plus radicales. S’ils réclament, au départ, plus de justice dans la répartition de l’impôt, les insurgés finissent par exiger sa suppression pure et simple…

Le Carnaval de 1580 approche bientôt.

Début février 1580, déçus par une année de combat contre la noblesse et la bourgeoisie qui ne leur a rien apporté, les artisans et paysans manifestent leur révolte dans les rues de la ville en brandissant épées nues, robes mortuaires en menaçant :  » avant trois jours, la chair du chrétien se vendra 6 deniers la livre « , sous chrétien il faut lire  » le riche, le puissant « . Le terme de  » chrétien  » n’a pas vraiment une connotation religieuse – on ne veut pas faire la St Barthélémy à l’envers – mais il désigne surtout les riches possédants, ceux qui contrôlent tout : pouvoir politique, économique et judiciaire.

Quelques incidents ont lieu dans les villages tout autour de Romans : des châteaux sont incendiés et leurs propriétaires malmenés ; quelques bourgeois récemment anoblis et du coup dispensés d’acquitter la taille (impôt appliqué uniquement aux propriétaires roturiers) sont purement et simplement exécutés… Ces actes de violence sont l’œuvre de bandes isolées dans les campagnes. La troupe de Paumier se comporte de façon plutôt civilisée. Aucun notable n’a été véritablement démis de ses fonctions – du moins dans le courant de l’année 1579 -. Paumier et ses partisans ont imposé au conseil de la ville la présence de 22 conseillers supplémentaires ce qui leur donne la majorité et leur permet de contrôler toutes les décisions prises. Fin janvier, Paumier s’assied d’autorité sur le siège consulaire dont il expulse les représentants, en particulier le juge Guérin, un des responsables des massacres de la St Barthélémy à Romans : c’est le monde à l’envers, thème essentiel de toutes les manifestations du folklore carnavalesque. Un vaste mouvement de désobéissance civile s’est peu à peu mis en place. Ce personnage va jouer un rôle sinistre dans la suite des événements. Les guerres de religion continuent et l’opposition entre catholiques et protestants s’est – elle-aussi – invitée dans ce conflit à dominante économique, mais de façon quelque peu indirecte. Les notables ne contrôlent plus guère que le quartier des Cordeliers où ils résident.
Les traditions locales déterminent le déroulement des festivités qui obéissent à des règles bien précises. Celles-ci sont définies par les différentes confréries de métiers qui y participent. La ville se divise en royaumes distincts (les  » reynages « ). Chacun de ces  » partis  » choisit un animal totem. Pour les artisans qui soutiennent Paumier, le totem c’est  » le chapon  » ; pour les possédants, soutiens actifs de Guérin, c’est  » la perdrix « .

La tension entre les deux camps est particulièrement sensible lors du carnaval qui donne lieux à des manifestations publiques (jeux,  » scénettes « …) plus ou moins symboliques et explicites des antagonismes, des désirs de domination-soumission des deux camps.

Les notables choisissent de répondre en jouant le jeu du Carnaval. Pour intimider les révoltés, ils se déguisent en roi, archevêque,  » soldat suisse « . Bientôt, ils prêtent à la foule artisanale et paysanne, le dessein de les tuer tous pour  » épouser leur femme et se partager leurs biens « . Justifiée ou non, cette peur suscite chez eux une réaction punitive préventive. La ville se divise en partis, ou royaumes (reynages), hostiles qui correspondent aux divers quartiers riches ou pauvres, et aux confessions religieuses. Chaque royaume choisit un animal-totem : le principal parti des artisans, avec Paumier, choisit d’être le  » chapon « ; les classes dirigeantes, avec Guérin, choisissent la « perdrix « . De part et d’autre, on organise joutes, bals, festins d’où partent des défis.

L’occasion du massacre est fournie, dans la nuit du lundi 15 au Mardi Gras, par l’ultime défilé des partisans de la perdrix qui se termine par un bal masqué. L’arrivée à ce bal de partisans du chapon, et les menaces qu’ils lancent à l’encontre des femmes des  » gens de biens « , apparaissent comme la dernière provocation que peuvent supporter ceux de la perdrix.

Chaque reynage organise diverses animations : joutes, défis divers, bals, défilés costumés… le cérémonial est ponctué de festins où l’on mange et bois plus que de raison… Les  » perdrix  » vont profiter de ce contexte pour exorciser la peur qui règne dans leur camp depuis une année. La fête dégénère et le bal masqué organisé par les  » perdrix  » va se terminer de façon tragique : sous leurs divers déguisements, les notables sont armés et se jettent sur le parti adverse…

Le dernier jour du carnaval, elle est à son paroxysme. L’entrée dans le Carême sera un tournant chacun en est conscient, voire le prépare en secret . Ces préparatifs sont surtout le fait de la  » réaction  » ,  » des bourgeois « ,  » des riches  » : le juge royal Guérin qui rêve d’être anobli et autres nobles et notables de la ville, du pays. Aussi profitent-ils d’ une rixe mortelle, entre les partisans de Paumier qui a pris le pouvoir de Romans avec d’autres artisans commerçants représentant le petit peuple, et les guérenistes, les partisans de Guerin,  » les riches « ,  » la réaction « , pour prendre les armes contre les insurgés et reprendre le pouvoir.

L’heure tant attendue par les notables bafoués dans leurs privilèges se présente la nuit du lundi 15 février au Mardi Gras. Après une année complète de révolte et d’insoumission aux lois, le vent tourne… Selon Suzanne Chappaz-Wirthner , à travers l’épisode de Romans, le carnaval va révéler certains de ses rouages les plus mystérieux :  » L’exemple de Romans fait apparaître le carnaval comme un  » outil social  » dont disposent les différents groupes au sein d’une collectivité pour exprimer les tensions et les antagonismes qui les dressent les uns contre les autres.  » L’auteure précise :  » Le carnaval n’est pas rite d’intégration ou rite de subversion; il est par essence ambivalent et présente simultanément les deux aspects; seul le contexte dans lequel il se déroule détermine le pôle qui l’emporte.  » Le carnaval des temps anciens joue un tout autre rôle que celui qui lui est dévolu de nos jours…

Les  » guérénistes  » s’arment et abattent Paumier  » d’un coup d’épieu au visage, de deux coups de pistolet et de quelques coups d’épées « . Les autres chefs du parti populaire sont passés par le fil de l’épée, arrêtés ou contraints de fuir la ville pour sauver leur vie, s’échappant en sautant des remparts, ou fuyant à la nage dans l’Isère glacée. Les hommes de Guérin ayant, la veille, pris possession des portes des remparts, la ville est bouclée : une trentaine d’artisans sont massacrés ; les 1500 paysans des alentours, alertés par le tocsin, ne peuvent les sauver, les portes de Romans étant closes.

Romans très rapidement est reconquis (le 19 février 1580). Les principaux acteurs sont jugés pour infidélité au roi, révolte, et collusion avec l’ennemi c’est à dire les protestants.

Soucieux de promouvoir sa réputation auprès de l’administration royale, le juge Guérin va instruire pendant trois mois leur procès et veiller personnellement à ce qu’ils soient lourdement condamnés par un tribunal qui lui est totalement dévoué… Pour mieux affirmer son autorité, le nouveau maître de la ville fait pendre Paumier en effigie, de façon symbolique : les pieds en l’air, la tête en bas… L’ordre règne à Romans : l’une des premières  » Communes  » insurrectionnelles de l’histoire est matée.

Malgré le plaidoyer de leur avocat, François Charvieux, gendre du juge Guérin, les principaux meneurs sont condamnés à la pendaison (Paumier étant mort on de déterre pour qui subisse sa peine), d’autres sont condamnés à des peines de galère, à la  » flétrissure publique « , à des amendes… Des biens sont confisqués et vont bientôt s’ajouter aux titres de propriétés de Guérin et de ses semblables.

Ainsi s’achève le Carnaval de 1580 : tout est remis à l’endroit ; les classes dominantes retombent sur leurs pieds. Et, pour mieux affirmer cette remise en ordre, Guérin fait suspendre l’effigie de Paumier,  » à l’envers, pieds en l’air, tête en bas « .

La colère des paysans n’est cependant pas calmée par ces exactions. Dans les villes et campagnes des alentours, les  » insurgés  » résistent plus longtemps mais ils sont mal armés, moins aguerris, dépourvus d‘unité et de  » programme commun  » et peu à peu, un par un ils sont matés dans un bain de sang … avant l’automne 1580.

Un autre personnage de sinistre réputation entre alors dans la danse : Monsieur de Maugiron, lieutenant général du Dauphiné… Cet officier royal va prendre en charge la répression militaire dans toute la région concernée. La reprise en mains va se faire avec la plus grande sévérité. La troupe traque les vilains et se livre aux pires exactions. Les bourgs voisins de Romans capitulent devant l’armée royale : à Valence, à la Côte St André, les artisans déposent les armes. Les restes de l’armée des insurgés se regroupent dans la petite ville de Moirans (Isère) où va se dérouler le dernier épisode sanglant de cette révolte. Le 28 et 29 mars 1580, les troupes de Maugiron profitent de la désorganisation de leurs adversaires pour se livrer à une dernière offensive victorieuse. Les barricades élevées à la hâte à l’entrée de Moirans ne résistent pas à la charge des cavaliers de l’armée royale. La victoire de Maugiron est totale, et le massacre qui s’ensuit est à la hauteur du désir de vengeance du lieutenant général :  1200 manants sont passés au fil de l’épée par ses soldats… Le fer et le feu ont eu raison de la  » Ligue des Vilains « , puisque l’histoire a ainsi nommé cette insurrection populaire dauphinoise mal connue.

Le Dauphiné est « pacifié » à l’exception de quelques enclaves montagnardes tenues par les protestants.

Il faudra attendre plusieurs décennies pour qu’une partie des revendications posées par ce mouvement soit entendue. L’arrêt royal de Fontainebleau en 1634 va rétablir un peu plus de justice fiscale : la taille en Dauphiné est déclarée  » réelle « , ce qui signifie qu’un noble, propriétaire d’une parcelle de terre, doit payer un impôt dessus, de la même façon que les roturiers.

Les Etats du Dauphiné perdent une bonne partie de leurs pouvoirs ; ceux-ci sont transférés aux tribunaux d’élection nommés par le roi. Peu à peu, l’autonomie des anciennes provinces s’estompe… Une page se tourne en attendant celle de la Révolution de 1789.




Sources :
 

  • https://clio-cr.clionautes.org/
  • https://books.google.fr/books
  • Le livre  » Le Carnaval de Romans  » par Emmanuel Le Roy Ladurie.