Rattachement du quartier de Bellevue à la commune de Mirabel et Blacons


RATTACHEMENT DU QUARTIER DE BELLEVUE À LA COMMUNE
DE MIRABEL-ET-BLACONS

 

  
 Le quartier de Bellevue, aujourd’hui partie intégrante de la commune de Mirabel-et-Blacons fut longtemps un objet de litige avec la commune d’Aouste-sur-Sye auquel il appartenait encore au début du XXe siècle.
 
« L’affaire » commence :
 
Le 13 février 1909  lorsque le sous-préfet de Die annonce au maire d’Aouste que « l’Instruction Publique a approuvé le rattachement à la circonscription scolaire de la commune de Mirabel-et-Blacons, des hameaux de Romezon et Bellevue » alors aoustois.
 
Cela se poursuit :
 
Le 30 mai 1911 lorsqu’un courrier du préfet de la Drôme au maire d’Aouste parle de « compléter le dossier d’instruction de la demande de rattachement à la commune de Mirabel-et-Blacons d’une partie du territoire de celle d’Aouste (quartier du Creux d’Aouste, du flanc est du coteau de Somelongue, de Romezon) ».

Il lui demande de « réunir la commission d’assistance de Mirabel-et-Blacons afin de délibérer sur les conditions de partage du patrimoine charitable », (« les biens des pauvres doivent être partagés au prorata de la population des communes intéressées » – loi du 10 juin 1793 -). La délibération devant être soumise au conseil municipal.

Apparemment Aouste n’est pas pressée de bouger.

Rien ne se passe.

Jusqu’au 17 juillet 1945 : une délibération du conseil municipal de Mirabel-et-Blacons demande « le rattachement du quartier dit de Bellevue faisant partie d’Aouste ».
 
Voici les principaux arguments:
 

  • Les gens d’Aouste, parlant de cette partie de son territoire disent Blacons.
  • Ce quartier a été créé par les anciens habitants de Mirabel aujourd’hui en ruines.
  • Les habitants de « l’enclave » suivent les services religieux à Blacons, envoient leurs enfants aux écoles de Blacons, se font enterrer au cimetière de Blacons; la plupart travaillent à la papeterie de Blacons et les morts des deux guerres sont inscrits sur le monument aux morts de Blacons.
  • Les habitants de ce quartier sont à trois kilomètres de la mairie d’Aouste et seulement à quelques centaines de mètres de celle de Blacons.
  •  Blacons forme, tant au point de vue géographique que commercial, économique, religieux et scolaire un tout indivisible devenu le centre même de la commune de Mirabel-et-Blacons , donc laisser subsister cette enclave est illogique.
  • Cette question est vieille de 35 ans et avait reçu l’approbation du Conseil Général lors de sa séance du 12 mai 1910.

 
Le 12 septembre 1945, un arrêté du préfet stipule au maire d’Aouste, M. Pascal, qu’une enquête publique doit avoir lieu dans les deux mairies pendant huit jours. M. Vallon, maire de Crest, est nommé commissaire enquêteur et recevra les observations des habitants ; il transmettra aux deux mairies son avis, le conseil municipal devra ensuite délibérer.
 
Le 29 octobre 1945 étude est faite des arguments de Blacons par M. Reynaud conseiller municipal d’Aouste habitant le quartier de Bellevue ; il présente un rapport où il démontre que les arguments de Blacons n’ont pas grande valeur, qu’ils peuvent être fortement nuancés et qu’en outre ce quartier faisant partie d’Aouste ayant été  classé en catégorie « urbain » les habitants ont pu bénéficier des rations urbaines, distributions de pommes de terre, de bois et bientôt de charbon. (ce qu’il risque de perdre).

Il fait surtout ressortir l’importance de ce quartier « sans contredit le plus riche, le plus peuplé et dont le développement se produit avec le plus de rapidité ».
 
Le 30 octobre 1945, le maire d’Aouste donne connaissance des pièces de ce dossier au conseil municipal qui rejette à l’unanimité la demande de rattachement faite sur « le soi-disant vœu des habitants du quartier de Bellevue, lequel vœu n’a jamais été porté officiellement à sa connaissance, soit individuellement, soit collectivement par ces dits habitants ».
 
Le 2 mars 1946 : séance extraordinaire du conseil municipal d’Aouste pour donner connaissance des instructions du sous-préfet concernant la nomination, par voie d’élection, d’une commission syndicale de cinq membres chargés de donner son avis sur le projet de rattachement. Il donne également lecture d’un deuxième dossier annexé par Blacons après l’enquête.

Le conseil est d’accord pour constituer la commission mais considère le deuxième dossier annexé par Blacons après l’enquête comme nul. Le conseil ne veut pas « polémiquer » mais proteste quand même contre les appréciations portées par le conseil municipal de Blacons sur l’avis du commissaire enquêteur sans que ce dernier ait la possibilité d’y répondre.
 
Le 31 mars 1946, est élue la commission syndicale qui se réunit le 4 avril 1946 sous la présidence de M. Emmanuel Gontard qui fait l’historique du quartier et reprend, en les appuyant,les arguments de la délibération du conseil municipal de Blacons du 17 juillet 1945, concluant que le rattachement administratif ne ferait que sanctionner un état de faits et permettrait la création de certains services sociaux, la demande de création d’un bureau de poste, le développement de sociétés sportives et d’un terrain de jeux.
 
En conclusion, la commission déclare:
 
– qu’il y a lieu, pour se conformer au désir des habitants et en raison des motifs exposés,de rattacher au plus tôt le quartier de Bellevue à la commune de Mirabel-et -Blacons,

– de faire en sorte que les conditions se passent au mieux des intérêts des deux communes.
 
Le 23 avril 1946, réunion extraordinaire du conseil municipal d’Aouste pour rendre compte de la délibération de la commission syndicale du 4 avril. Le conseil considère que « les termes de la loi électorale n’ont pas été respectés car la commission syndicale a pu délibérer avant que le délai sur les réclamations concernant son élection ne soit expiré et par conséquent que cette élection soit validée, ce dont la commune n’a jamais été avisée ». Il demande donc l’annulation de l’arrêté et de l’élection de la commission syndicale, et, à l’unanimité des membres présents, réitère son refus, arguant du fait qu’ont été « effectuées des pressions et des manœuvres de toutes natures », que la moitié des électeurs se sont abstenus, qu’on ne peut accepter une telle amputation territoriale.
 
Rejet pur et simple de la demande de rattachement.
 
Cependant le rattachement aura bien lieu, par décret du 16 septembre 1946.
 
Aouste voit sa population diminuée de 26%, Bellevue étant le quartier aoustois le plus peuplé avec la densité de population la plus importante et le meilleur revenu foncier.
 
Mais la rancune est tenace ! Le 27 juin 1954 le conseil municipal d’Aouste délibère pour protester contre la création à Mirabel-et-Blacons d’une agence postale décidée par l’administration des postes !
 
Aouste et Mirabel-et-Blacons font donc partie des 10% des communes françaises qui ont vu leur surface modifiée depuis la Révolution Française.
 

  Marie-Hélène Wintzenrieth