La tour Jacquemart de Romans





La tour Jacquemart de Romans




La tour Jacquemart de Romans-sur-Isère (Drôme) mesure 37 mètres de haut, c’est une ancienne porte du second rempart choisie pour accueillir un automate marteleur qui donne l’heure : le Jacquemart.

Construite en 1174, la porte fortifée de l’Aumône fut réformée lors de la construction du second rempart. Elle fut conservée et, au XVe siècle, les consuls de la ville décidèrent la création d’une horloge monumentale : l’inauguration eut lieu le 2 mars 1429.

Le Jacquemart de Romans-sur-Isère est un des plus grands de ceux qui subsistent aujourd’hui dans près d’une cinquantaine de villes françaises. Il est aujourd’hui revêtu de l’uniforme des soldats de la Révolution française.

En 1325, les chanoines construisent une forteresse, le long de ces murailles, pour se protéger des habitants avec lesquels ils sont en conflit. La porte de l’aumône est intégrée dans la forteresse où elle sert de tour. Au XVe siècle, forteresse et tour sont transformées en prison.

Déjà, le 13 janvier 1412, les consuls et les notables de Montélimar avaient décidé qu’on doterait leur ville d’une horloge publique. Ils chargèrent Jacques Marcha, maître horloger de Romans, du soin de cette construction, pour le prix fait de 100 florins.

Ce fut encore un Romanais, Jean de Lauregua, qui fut chargé, moyennant 13 florins et 18 gros, de peindre magnifiquement le cadran de cette horloge. Le 11 juillet 1557, les Montiliens s’adressèrent à des ouvriers de Valence pour refaire le reloge de leur ville « à la forme d’icelluy de Romans ». Enfin, par là même occasion, ils voulurent embellir cette horloge d’un Jacquemart, à l’instar de celle de Romans ».

Ainsi donc, dès 1412, Romans possédait des artistes habiles en plusieurs genres, et plus tard, l’horloge et le Jacquemart de cette ville servaient de modèle et de type pour les cités voisines, de même que de curiosité des étrangers.

Quoi qu’il en soit, en 1420, les consuls de Romans, à l’instar des grandes villes de France, voulant ériger dans leur ville un monument d’utilité publique (horologium pro communi servicio totius oppidi de Romanis), résolurent de faire la chose grandement, « sans regarder à la dépense ».Ils décident de réutiliser la tour de la forteresse qu’ils surélèvent de 10 mètres pour pour y placer un mécanisme d’horlogerie avec cadran et sonnerie.

Dans ce but, ils s’adressèrent à un artiste célèbre de Fribourg, Pierre Cudrifin, qui ajoutait à son nom les titres suivants : clericus, burgensis Friburgi, magister bombardarum et horologiorum. Il vint à Romans, s’entendit avec les autorités, et de retour dans son pays, il écrivit aux bourgeois de cette ville, à la date du samedi après la Toussaint (4 novembre 1425), pour leur demander les 50 écus d’or qu’ils devaient lui envoyer à Genève à la foire de Saint-Simon et de Saint-Jude, en ayant grand besoin, et ajoutant qu’il travaille à force à l’horloge : « Sachez certainement que je laboure grandement à votre besogne. »

L’œuvre étant faite et parfaite, il ne s’agissait plus que de satisfaire l’ouvrier. Le compte s’élevait à la somme importante de 500 florins d’or soit environ 65 000 € actuels, c’est-à-dire à cinq fois autant que celle que la ville de Montélimar avait dépensée pour le même objet.

Une cloche est récupérée sur l’Hôtel de ville et un automate marteleur est installé. L’œuvre fut rapidement menée à bonne fin; le mécanisme fut placé sur la tour et, pour sonner les heures, on plaça un automate en bois armé d’un marteau de fer. A cette époque, on appelait par dérision Jacques Bonhomme le paysan qui accomplissait avec résignation toute espèce de corvées, y compris celle de sonner les cloches. L’automate fidèle à la mission qui lui était confiée fut baptisé Jacques et on ajouta Marteau à cause de l’instrument dont il était muni. Jacques-Marteau est devenu depuis par corruption Jacquemart. (voir en fin du document : « D’où vient le nom de « Jacquemart »). Ce fut au milieu de la satisfaction et de la curiosité générales que le consciencieux bonhomme de bois fit résonner sa cloche pour la première fois, le 2 mars 1429.



Le 29 juillet 1426, les chanoines de Saint-Barnard permirent aux habitants de Romans un octroi pour faire face aux dépenses nécessitées par l’établissement de l’horloge publique, mais refusèrent d’y participer. D’où des discussions qui retardèrent le paiement de cette dette et qui donnèrent lieu à plusieurs arrêts de justice. D’abord, une ordonnance, à la date du 16 décembre 1427, de Jean de Schalone, sacristain de Die, official de Vienne à Saint-Donat, chanoine résidant à Romans, pour contraindre plusieurs habitants qui n’avaient pas payé la taille pour l’entretien de l’horloge ; puis une assignation aux consuls à Grenoble par Pierre Cudrifin, qui réclamait le paiement de son travail ; enfin, un arrêt du 27 janvier 1429 du gouverneur du Dauphiné, Raoult de Gaucourt, rendu en conseil à Grenoble, qui condamnait la communauté de Romans à payer, sous toutes les imputations légitimes, la somme de 500 florins d’or due à Pierre Cudrifin, bourgeois de Fribourg, maître en fait de bombardes et d’horloges, pour prix d’une horloge faite pour la ville de Romans. Ce dernier étant mort peu après, ce ne fut que le 16 juillet 1431 que Jean Cudrifin, son frère et son héritier, reçut des consuls de Romans ladite somme de 500 florins ou de 300 écus d’or. La quittance fut passée dans la boutique de draperie d’Antoine de Manissy, l’un des consuls.

Le 10 novembre 1453, le Dauphin (depuis Louis XI) accorda la faculté de faire une entrée par des degrés en dehors de la basse-cour de l’horloge, en construisant un mur pour empêcher l’évasion des prisonniers. En outre des cadrans pour marquer les heures, la tour portait sur ses quatre faces les armes de France, de Dauphiné, du Chapitre et de la ville. Elle ne possédait qu’un seul cadran.

La tour a toujours contenu trois cloches : une grande et deux petites. La première a été refondue. Les consuls firent, le 10 janvier 1544, avec Nicolas Dubois, « campagnyer » du lieu de Neuchâtel en Suisse, un traité pour la refonte de la cloche de la grande horloge de Jacquemart, de même grandeur qu’elle était de présent, moyennant 50 écus d’or au soleil, outre le métal nécessaire, qui fut livré par Robin, au prix de 18 livres le quintal. La cloche, mesurant 1m30 de haut sur 1m55 de large et pesant 46 quintaux, fut fondue dans un local de l’Aumône de Sainte-Foy, qui était très rapproché du clocher. Elle donne le si naturel de la clef de fa, et porte l’inscription suivante : Maistre Nicolas du Bois me fit l’an mil V XXXXV. — Jesus Maria custodi nos Domine sicut pupillam oculi.

Il y a, en outre, trois petits tableaux : la Vierge tenant l’enfant Jésus dans ses bras ; saint Michel perçant le dragon ; et un personnage vu à mi-corps, les mains liées. Les inscriptions des petites cloches sont ainsi :
 

  • Petite cloche (sud-ouest) : Christus rex venit in pace. Deus homo factus est. Christus nos salvet. Amen.
  • Petite cloche (sud) : Christus vincit. Christus regnat. Christus imperat. Christus nos custodiat. Amen.


Ces deux petites cloches, de dimensions à peu près égales (60 centimètres de haut sur 67 de diamètre) datent du XIIIe siècle, et peut-être du XIIe, et sont, par conséquent, antérieures à la construction de l’horloge. Elles donnent, l’une, le mi naturel, et l’autre, le fa dièze de la clef de sol.

Les trois cloches de Jacquemart ont toujours fait entendre leurs joyeux carillons pendant le passage des processions, dans toutes les fêtes publiques et à l’occasion de l’arrivée des grands personnages. Avant la Révolution, elles servaient à annoncer la réunion du Conseil municipal, celle des Pénitents, etc.

La flèche, élevée de 34 mètres, a été souvent réparée : après les guerres de religion, les soldats s’étant amusés à percer la toiture à coups d’arquebuse ; en 1775, on dépensa 3103 livres ; en 1812, 10 800 francs ; en 1840, une plus forte somme ; en 1877, 4501 francs, pour la réfection complète de la charpente et de la couverture de la flèche, et enfin en 1902 encore, toute la zinguerie a dû être refaite.

Lors de la séance du 30 octobre 1712 de l’Assemblée générale de Romans-sur-Isère où étaient Messieurs les maire, consuls et gens de l’assemblée en nombre suffisant suivant le règlement, [et sous la présidence de] M. Maître Jean Duportroux, conseiller du roi, maire et M. Maître François Duportroux, conseiller du roi, maire perpétuel.

En cinquième lieu a été représenté que depuis les réparations faites en dernier lieu à l’horloge de cette ville par Martin Chabert, il a été porté à la connaissance de Messieurs les maire et consuls qu’il est nécessaire de faire toute répression pour prévenir le dommage dont elle est menacé.
«  En cinq° lieu a esté représenté que depuis les réparations faittes en dernier lieu à lhorloge de cette ville par Martin Chabert, il a été porté à la connoysance de Mrs les maire et consuls il est nécessaire de faire toute répression pour prévenir le domage dont il est menassé. « 
Sur la cinquième proposition a été délibéré que Monsieur Belland, consul, est prié de faire faire incessamment les réparations nécessaires aux horloges et qu’au surplus, il est défendu au concierge d’icelle d’y laisser chanter les Noëls ni d’y tirer au contraire attendu que par les coups de mousquet et aux armes qu’on y a tiré, on a fait quantité de désordres aux horloges, et qu’en cas que le conducteur d’icelle permette d’y tirer et chanter, il sera destitué.
 » Sur la cinq° prop° a esté délibéré que Monsr Belland consul est prié de faire faire incesst les réparations nécessaire aux horloge et quausurplus il est deffendu au concierge diceluy dy laisser chanter les nohel ny dy tirer au contraire attendu que par les coups de mousquet et aux armes qu’on y a tiré on a fait quantité de désordres aux horloge, et qu’en cas que le conducteur diceluy permette dy tirer et chanter, il sera destitué.  » (Sources : Archives municipales, Série BB – Administration communale, Délibérations consulaires)

En l’année 1757, Quinson, artiste-peintre, fut chargé par les consuls de peindre trois autres cadrans ainsi qu’une montre lunaire; plus tard, la peinture ayant disparu, les heures furent indiquées en chiffres romains sur des plaques en tôle émaillée; enfin, en 1882, les anciens cadrans furent détruits.
On perça alors les quatre faces de la tour pour placer les nouveaux cadrans en verre dépoli et transparent qui étaient éclairés la nuit chacun par deux becs de gaz.

La flèche de Jacquemart, qui est la pointe la plus élevée de la ville, a toujours attiré l’attention des gouvernements, et elle a suivi les péripéties de notre histoire. Le 14 décembre 1792, sur la réquisition du procureur de la commune, la ville fit enlever la fleur de lis qui ornait la cime du clocher, par un grenadier de la garnison à qui on donna 150 livres pour cette opération périlleuse. Sous le premier Empire, on plaça au même endroit une aigle à la place du bonnet phrygien  ; sous la Restauration, une fleur de lis ; sous Louis-Philippe, une boule en cuivre doré ; aujourd’hui, il y a une simple pointe de paratonnerre accompagnée d’une girouette découpée en forme de lyre.

Le Jacquemart est si éminemment populaire qu’il a donné son nom à divers établissements, à une place, à une rue, à un faubourg. Plusieurs journaux satiriques se sont parés de son nom et de son effigie, et lui ont fait parler un langage plus réaliste que poétique, car, ainsi que le latin, « le patois dans les mots brave l’honnêteté ».

Toutefois, notre Jacquemart a toujours eu une tenue correcte vis-à-vis des gouvernements existants, et toujours son habit de fer-blanc a été à peu près conforme aux idées du jour. Il était en garde national en 1789 ; en lancier polonais sous l’Empire ; en troubadour sous la Restauration ; enfin, depuis 1830, en volontaire de 1792. Du moins pensait-on qu’il s’agissait de ce costume, avant qu’un historien local fît remarquer, en 2012 lors d’une rénovation du Jacquemart, que son costume était celui de la milice bourgeoise de Romans.

Au XIXe siècle, la forteresse Montségur est détruite, laissant place à un marché aux ânes et aux chevaux. En 1882, d’importants travaux de restauration sont réalisés sur la tour et plusieurs éléments sont rajoutés : cadrans d’horloge, baromètres… Le mécanisme de l’horloge et du Jacquemart est modernisé.

Quand on pénètre dans la tour, on remarque tout d’abord les vestiges d’une ancienne porte de la première enceinte de la ville; on distingue très bien la voûte du portique et de chaque côté les rainures de la herse.

La surface du rez-de-chaussée est très réduite à cause d’un puissant contre-mur de deux mètres d’épaisseur qu’on a adossé contre le mur sud pour en assurer la solidité.

Dans l’angle à droite de la porte on trouve une étroite montée d’escaliers en bois de 97 marches qui se continue en colimaçon jusqu’à l’étage où se trouve le mécanisme. Puis, on trouve une échelle de meunier étroite, à pente très raide. Il faut ‘encore monter 23 marches et l’on gagne difficilement et en se courbant, une trappe qui ouvre sur le campanile. Ce dernier est de forme hexagonale mesurant 1m70 de largeur. On jouit de là d’un coup d’œil splendide sur la ville et les environs.

La grosse cloche de Jacquemart est placée à 2 mètres au-dessus de l’étage. Elle mesure 1m30 de hauteur, 1m56 de diamètre et 70 millimètres d’épaisseur; elle pèse 46 quintaux. La date (1545) que porte cette cloche indique que celle fournie par Cudrifin a été, à cette date, refondue pour une cause de fêlure.

Dans les archives de Romans-sur-Isère, on trouve un acte du 10 janvier 1544, par lequel les consuls de la ville Guilllaume Forez, Guillemin Bergier et Pierre Morel ont traité avec Nicolas du Bois, fondeur de Neuchâtel, pour la refonte de cette cloche. Il y est expliqué que la nouvelle pièce sera pour le moins de la même grandeur que la précédente. L’acte ajoute que « du Bois sera tenu de la descendre et remonter et fournir de tout atraict à ses propres cout et despents, si ce n’est du métail nécessaire que la cille lui fournira; et pour ses poynes et labeurs, les consuls luy payeront cinquante escus d’or au soleil. En livrant son travail à carême prenant, du Bois recevra 25 escus et le restant a la Saint-Martin. »

La ville traita avec un sieur Ronin pour l’achat du métal, à raison de dix-huit livres par quintal; elle fournit également le local pour l’opération de la fonte qui eut lieu dans une dépendance de l’Aumône de Sainte-Foy, près de l’horloge.

Comme il n’était pas possible de descendre la cloche par l’intérieur de la tour, on dut scier une des colonnettes du campanile pour livrer le passage nécessaire; on la replaça après l’achèvement du travail.

Cette cloche est placée d’une manière fixe; cependant elle possède un battant anciennement destiné aux sonneries pour les incendies et aussi pour les jours de fêtes; ce battant très lourd était mis en mouvement par un levier qu’on faisait mouvoir avec le pied.

A côté de la grosse cloche et sur un piédestal adossé contre la face sud du campanile, se dresse majestueusement l’automate qui est presque au double de grandeur naturelle. D’abord sculpté sur bois, il ne tarda pas à subir les outrages du temps; aussi, à diverses époques, on le recouvrit de fer-blanc. Il est mobile sur un pivot, ce qui permet au marteau qu’il tient dans les mains d’atteindre la cloche, tandis que la tête se meut en sens inverse. Vu de près, le bonhomme est affreux et grossièrement charpenté; les pieds disparaissent dans le socle jusqu’aux mollets et la tête est complètement séparée du tronc.

En 1963, la tour et sa cloche sont protégées au titre des monuments historiques.

Ce n’est pas la première fois que l’on descend le célèbre automate pour lui donner une nouvelle jeunesse. La presse locale, dont « Le Dauphiné libéré » mais aussi « Les Allobroges » ou « L’Impartial », s’est fait l’écho de ses retours successifs après restauration, en 1949, 1967 et 1974. On se souvient aussi que sa tête était tombée le 5 avril 2012. En mars 2020, une nouvelle restauration de la tour Jacquemart est mise en place. Le chantier se déroulera en deux phases :  de février à novembre 2020, la Tour elle-même est concernée et de décembre 2020 à décembre 2021, l’aménagement de son parvis suivra. Le coût global de l’opération est de 1,58 M€ TTC.



D’où vient le nom de « Jacquemart » ?


Recherches historiques sur l’origine du nom de Jacquemart suivi d’une proposition personnelle pour la dite origine :

Un jacquemart désigne un automate de bois ou de métal représentant un personnage armé d’un marteau, qui frappe les heures sur le timbre ou la cloche d’une horloge placée à la partie supérieure d’un édifice, d’un beffroi ou d’une église. Ce mot est entré dans le langage commun comme l’atteste le Lexique de l’ancien français, de Frédéric Godefroy (H. Welter éditeur, Paris, 1901, page 292 – Source) qui fait référence en la matière. Frédéric Godefroy donne pour définition : heurtoir, marteau d’horloge.

A Romans-sur-Isère, on a aujourd’hui coutume de désigner l’automate par l’expression « bonhomme Jacquemart ». Probablement pour le différencier de la tour qui porte le même nom.
Cela n’a pas toujours été le cas et plusieurs documents d’archives montrent que l’automate romanais était premièrement appelé tout simplement « Jacquemart », ainsi en 1431 (Archives municipales, DD 12), en 1536 (Archives municipales, DD 5), etc.

Mais d’où vient le nom de Jacquemart ?

Pour commencer, nous pouvons affirmer que ce mot n’a pas été inventé à Romans-sur-Isère.
En France, car il en existait déjà plusieurs en Europe, les horloges à automate marteleur précédant celle de notre cité se trouvaient au beffroi de Valenciennes, en 1377, et en l’église Notre-Dame de Dijon, en 1383, où l’automate, rapporté de Courtrai, en Belgique, après le pillage de la ville par les armées de Philippe le Hardi en 1382, était appelé « jaiquemar » (L’Illustre Jacquemart de Dijon, Gabriel Peignot, V. Lagier éditeur, Dijon, 1832 – Source).

L’étymologie du mot est, quant à elle, très disputée et je vais donc énumérer les différentes propositions existantes en les commentant (à Romans-sur-Isère, l’histoire locale n’a jamais mentionné toutes ces propositions pour n’en retenir que certaines) :

1. Dans son Dictionnaire universel, contenant généralement tous les mots françois tant vieux que modernes (Arnoud et Reinier Leers éditeurs, La Haye et Rotterdam, 1702, tome II, page 5 – Source), le lexicographe Antoine Furetière propose « qu’on l’a ainsi appelé du nom de l’ouvrier qui en a été inventeur, qui s’appelait Jacques Marc. » On a effectivement cité un horloger du nom de Jacques Marc qui aurait exécuté l’horloge de Courtrai – celle qui fut pillée et transportée à Dijon – et d’un Jacquemart qui aurait réparé cette même horloge à Dijon, en 1422 (plusieurs références dont Bulletin de la Société d’émulation du Bourbonnais, Les Imprimeries réunies éditeur, volume 35, 1932, page 17 – Source). Antoine Furetière ajoute : « Quand on dit « armé comme un Jacquemart », cela vient de Jacques Marc de Bourbon, troisième fils de Jacques de Bourbon, connétable de France, sous le règne du roi Jean. C’était un seigneur fort brave et vaillant qui se trouva en toutes les occasions les plus dangereuses de guerre et de tournois. Dès lors, on appela Jacquemart tous ceux qu’on voyait armés de pied en cap. »

2. Dans son Dictionnaire étymologique de la langue françoise (Briasson éditeur, Paris, nouvelle édition 1750, tome I, page 62 – Source), le grammairien Gilles Ménage propose que « Jacquemart a été fait du mot de jaque et de celui de maille, et qu’il a été dit originairement d’un homme armé de jaque-de-maille (jacomacchiardus). » Ce vêtement, autrement appelé cotte de mailles, était aussi porté par les guetteurs d’où la proposition, les jacquemarts étant perchés en haut d’églises et beffrois.

3. Dans Les rues de Romans, suivi de Fragments historiques (J. Céas et fils éditeurs, Valence, 1900, page 121 – Source), Ulysse Chevalier, historien local romanais écrit : « Jacquemart est évidemment un diminutif de Jacques-Marteau. Au Moyen Age, on donnait le nom dérisoire de Jacques Bonhomme, aujourd’hui synonyme de niais et fort, au paysan parce qu’il accomplissait avec résignation toute espèce de corvée. » Avant lui, Gabriel Peignot, dans son Illustre Jacquemart de Dijon (V. Lagier éditeur, Dijon, 1832, page 21 – Source) mettait en doute cette hypothèse : « L’orthographe Jacquemart semblerait annoncer un diminutif de Jaque Marteau, martelant, frappant les heures, opinion plus subtile que fondée. » Quant au nom de Jacques Bonhomme, il désignait l’ensemble des révoltés de la Grande Jacquerie de 1358 (Oeuvres de Froissart. Chroniques, Biblio éditeur, Osnabrück, 1867-1877, tome 6, pages 44 à 53 – Source). Les chroniques (1340-1368) de Jean de Venette précisent que ce sobriquet fut attribué par les nobles aux paysans, pour les tourner en ridicule.

4. Un autre proposition fait emprunter le mot jacquemart de l’ancien provençal jacomart ou jaquomart (1472, d’après Paul Pansier), dérivé à l’aide du suffixe -art (ou -ard), de Jaqueme, forme provençale du prénom Jacques (Source). Or, la chronologie historique, dans l’espace et dans le temps, tendrait à montrer que c’est l’inverse qui se serait produit et le provençal Jacqueme serait une altération de Jacquemart.

5. Dans l’ouvrage de Claude Fauchet, intitulé Origine des chevaliers, armoiries et héraux, ensemble de l’ordonnance, armes et instruments desquels les François ont anciennement usé en leurs guerres (J. Périer éditeur, Paris, 1600, page 9 – Source), nous trouvons cette référence : « Mais pour que les chevaliers n’étoient pas employez aux guerres, afin de les entretenir en quelque exercice, les grands Roys et Seigneurs de marque, quelque fois publioient des assemblées d’armes appelez Tournois pour ce que les Chevaliers y coururent par tour, rompans premièrement leur bois et lances contre une Quintaine ou Jaquemar planté à terre, jusques à la hauteur d’un cheval, ayant sus un pan une statue d’homme couvert d’un escu, un bras estendu, avec une masse, estant cette statue appelée Jaquemar, plantée sur un pivot. De manière que le Chevalier heurtant de sa lance contre cet escu barré (pour retenir la lance) il falloit qu’il eut de l’adresse, s’il ne recevoit un coup de la masse. ». L’auteur ne date pas l’utilisation de ce terme mais cette référence est tout à fait passionnante car il est évident qu’il parle de l’origine des tournois et donc d’une période antérieure au XIVe siècle.

6. Il se pourrait même que le nom de Jacquemart tirât ses origines de quelque terme étranger.
On trouvait ainsi des noms similaires pour désigner des automates et des hommes armés hors la France, par exemple : Jacks of the clock (Jacques de l’horloge) ou Jacks in armour (Jacques en armure) en Angleterre (Journal of the British Archaeological Association, 1869, page 280 – Source), des Djakemar en Suisse (Glossaire du patois de la Suisse romande, Louis Favrat, 1866, page 114 – Source).

Conclusion :

Bien entendu, nous ne pouvons pas, ici, donner une origine certaine du nom de Jacquemart. Mais suite à ces recherches historiques, nous pouvons formuler l’hypothèse suivante :
Sachant qu’il y avait, anciennement, des guetteurs qui se tenaient dans le beffroi des villes pour annoncer, par le son d’une cloche, l’arrivée d’une troupe ennemie, un incendie, etc.
Sachant qu’on appelait Jacquemart la représentation (quintaine utilisée lors des tournois, statue) d’un homme en armes ou d’un homme vêtu d’une jacque de maille (cotte de maille).
Considérant que, vu d’en bas, la silhouette d’un automate, quel que soit son uniforme, placé en haut d’un beffroi, d’un clocher ou d’une tour devait rappeler celle des guetteurs.
Il est possible que nos ancêtres aient donné le nom de Jacquemart à leurs automates par simple analogie visuelle.

Bien entendu, le débat reste ouvert.


 » Jacquemart  » fut aussi un hebdomadaire romanais

 » Jacquemart « , hebdomadaire satirique qui parut avec 58 numéros du 16 juin 1867 au 17 septembre 1871, édité à Romans par R. Cluze et Calixte Lafosse. Il sera remplacé par le  » Journal de Jacquemart, organe de la contrée  » en 1876, édité à Romans par Calixte Lafosse, lui-même remplacé par le journal politique  » Journal de Jacquemart, organe de l’Allobrogie méridionale  » en novembre 1880. Il paraît irrégulièrement de 1880 à 1905, édité à Romans par Calixte Lafosse, puis Sibeud, puis Gerin, puis Gerin fils. Il sera remplacé par  » le Bonhomme Jacquemart  » en 1905.
On noter aussi  » Le Culu de Jacquemart  » hebdomadaire qui parut de novembre 1890 à août 1891, édité à Romans par R. Cluze et Calixte Lafosse.



Sources :

  • Archives municipales de Romans-sur-Isère
  • Ulysse Chevalier, Fragments historiques, 1900
  • L’Almanach du Bonhomme Jacquemart
  • www.romanshistorique.fr/romans-sur-isere-la-tour-jacquemart